[FOCUS] Des familles guadeloupéennes modestes, dans les années 1950, au travers de cahiers de doléances.

En 1956, Jean Cayeux, député du département de la Seine, à la tête d’une délégation parlementaire, réalise une visite en Guadeloupe. C’est à cette occasion qu’il reçoit six cahiers de doléances, qui lui sont notamment remis par l’Union des femmes guadeloupéennes et le Syndicat des travailleurs agricoles. Dans ces cahiers, les membres de ces associations ont rédigé des récits sur leurs conditions de vie.

Parmi les pages de ces cahiers, qui sont en fait des cahiers d’écoliers, on retrouve des témoignages manuscrits de familles modestes. Dans l’un d’eux, sur une feuille jaunie par le temps, une mère de famille expose avec dignité les difficultés quotidiennes qu’elle rencontre pour élever ses sept enfants. Elle écrit : « je ne gagne qu’une demi-journée qui me revient à 309 francs, ne me permettant pas d’entretenir mes enfants, et payer mon loyer ; je ne bénéficie pas des allocations à la famille ». À côté de ces quelques lignes, une petite photographie montre cette femme entourée de ses enfants devant leur case.

À cette époque, la Guadeloupe traverse une période de profondes mutations économiques et sociales. Les cultivateurs, cultivatrices, artisans et femmes de ménage qui s’expriment dans ces cahiers dressent un lourd portrait de leur réalité : des revenus insuffisants pour se loger dignement, des difficultés à assurer l’éducation de leurs enfants, et un sentiment d’injustice face aux disparités avec la France hexagonale. Comme le signale cette « fille-mère » dans cette archive : « Si on nous accordait les prestations familiales comme en France cela m’aurait soulager. »
Ces travailleurs guadeloupéens réclament donc « l’égalité des droits avec les travailleurs métropolitains » et exigent les mêmes prestations sociales qu’en métropole. Ces revendications, formulées par des habitants de Basse-Terre, de Morne-à-l’Eau ou encore de Sainte-Anne, traduisent un profond sentiment d’injustice sociale et la volonté d’une reconnaissance de leurs droits fondamentaux.

Ces organisations, en donnant la parole aux plus modestes, ont créé un document historique, fruit d’une mobilisation collective, qui témoigne des revendications sociales de l’époque et des aspirations à une plus grande égalité entre la Guadeloupe et l’Hexagone.

 

Extrait, cahiers de doléances, 1956. Fonds Jean Cayeux, Arch. dép. Guadeloupe, 1 J 256.

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