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[FOCUS BUMIDOM] La chanson « Mwen dòmi déwò », par Super Combo (Mèt a mangnok, 1975).
La chanson « Mwen dòmi déwò » – J’ai dormi dehors – est sans doute l’œuvre la plus connue de « Super Combo », l’orchestre emblématique de la Guadeloupe, ayant marqué la scène musicale des années 1965 à 1985. Chantée en créole sur une cadence rampa, fortement inspirée du Kompa haïtien, le titre raconte avec dérision les mésaventures d’un Guadeloupéen qui quitte son île pour la France, illustrant les espoirs et les désillusions liés à l’expérience du BUMIDOM (Bureau pour le développement des migrations dans l’outre-mer). Ainsi, après avoir traversé l’Atlantique en ayant cru que la vie à Paris c’était Pigalle, c’était Barbès (Mwen té konprann lavi-Pari, sé té Pigalle sé té Barbès), il connaît des nuits à dormir dans le métro dans la misère et le froid (Mwen dòmi an tou a métwo| Ay ka fè fwèt, fwèt kon adan on frijidè). Pour beaucoup d’Antillais de cette époque, la France représentait un Eldorado ; la chanson est d’ailleurs inspirée du départ pour la France d’un des membres du Super Combo.
Produit par le label Guadeloupéen Disque Debs en 1975, la chanson « Mwen dòmi déwò » est qualifiée dans la revue Alizés d’hymne de la migration antillaise. Il s’en est vendu 40 000 exemplaires dès 1974. En 2003, son interprète, Henri Laquitaine estimait que la chanson était encore d’actualité : « Pourquoi y a-t-il des portes qui se ferment lorsque l’on cherche du travail ou un logement ? Aujourd’hui à Paris, il y a des compatriotes qui savent ce que dòmi déwò veut dire… ».
Mwen dòmi déwò (extrait et traduction)
Mwen té konprann lavi-Pari, Je croyais que la vie à Paris
Sé té Pigalle sé té Barbès, C’était Pigalle, c’était Barbès :
Mwen rèsté pri douvan gran désèpsyon Je me suis fait avoir.
Mwen fè yon bon vwayaj an avyon J’ai fait un bon voyage en avion,
Mwen vrè sinéma J’ai vu un film,
Mwen manjé mwen byen brè J’ai bien mangé, j’ai bien bu,
Mwen dòmi mwen lévé J’ai dormi, je me suis levé.
Abò sé té fransé À bord, on parlait français,
Mwen té ka palé Moi aussi, je parlais français.
Men, lè mwen rivé a Paris Mais, quand j’ai débarqué à Paris…
Mwen dòmi déwò J’ai dormi dehors,
Mwen dòmi déwò J’ai dormi dehors,
Mwen dòmi an dalo J’ai dormi dans le caniveau
Mwen dòmi déwò J’ai dormi dehors
Mwen dòmi an tou a métwo J’ai dormi dans le métro

Pour aller plus loin :
Freddy Marcin, « Histoire et politiques migratoires dans les années Bumidom et impacts sur les arts de la résilience », Bulletin de la Société d’Histoire de la Guadeloupe, n°186 (mai-août 2020), p. 133-146.