En voiture pour Pointe-à-Pitre !

Les Archives départementales ont fait récemment l’acquisition d’un bel album de 109 photographies prises à la Guadeloupe à la fin du XIXe siècle ou au début du siècle suivant. L’artiste n’est pas encore identifié et la datation précise des photographies est en cours, travail d’autant plus difficile qu’aucune photographie n’est légendée à quelques exceptions près. Mais cet album présente un intérêt historique indéniable comme en témoigne ce cliché.

Garée devant un bâtiment officiel – peut-être une agence postale comme peut le suggérer la boîte aux lettres que l’on aperçoit en arrière-plan, accrochée au mur – une diligence publique, tirée par trois mulets, attend paisiblement ses voyageurs. Assis à son poste de travail, le cocher pose fièrement devant le photographe avec son fouet et son chapeau. Cette diligence assure le service sur l’une des lignes attribuées par la colonie à des entrepreneurs privés : la ligne principale qui va de Basse-Terre à Pointe-à-Pitre et retour mais aussi plusieurs trajets secondaires qui irriguent l’ensemble de l’île en direction du Moule sur la Grande-Terre, de Saint-François par Sainte-Anne ou encore de Saint-Claude au départ de Basse-Terre. Le prix du voyage est conséquent : pas moins de 15 francs pour rejoindre Pointe-à-Pitre, tous les Guadeloupéens de ce temps sont loin de pouvoir se permettre une telle dépense.

Les voyageurs en ont-ils pour leur argent ? La voiture semble bien entretenue et confortable avec ses banquettes rembourrées, son toit et ses grandes ouvertures dotées de rideaux pour se protéger du soleil. Nous disposons cependant d’un témoignage de l’époque qui donne une autre vision des transports publics de cette époque. Il s’agit du lieutenant de gendarmerie Georges Bonnemaison qui séjourne à la Guadeloupe pendant trois ans, entre 1901 et 1903. L’extrait qui suit est tiré de son journal, publié en 2001 sous le titre La Guadeloupe en Zigzag*. Voici ce qu’il écrit à propos d’un voyage effectué pour regagner sa caserne après avoir été à Saint-Claude rencontrer son commandant de compagnie : « C’est un voyage très pénible que ce trajet en diligence de Basse-Terre à Petit-Bourg. On est trimbalé toute une journée dans un véhicule des moins confortables, sorte de coffre informe rapiécé avec des petits bouts de planches de caisses et des morceaux de fer-blanc de boîtes de sardines…Une fois monté, je me suis trouvé assis sur une banquette de bois à peine rabotée et étroite au point de n’y pouvoir placer que le bord de mon postérieur… Et dire que j’avais près de 10 heures à passer dans ce lieu de plaisance ! ».

Qui dit vrai, de la photographie ou du journal intime ? A vous de voir mais Georges Bonnemaison n’a sans doute pas utilisé le même véhicule que celui photographié dans notre album. On verrait les boîtes de sardines !

voiture publique archives guadeloupe

*La Guadeloupe en zigzag, journal du gendarme à cheval Georges Bonnemaison, présenté par René Martin. Notes et commentaires Jacqueline Picard, Deux-Ponts, éditions Caret, 2001, p. 79.

[photographie : une diligence publique à la Guadeloupe], Album Arch. Dép. Guadeloupe, 35 Fi

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