[FOCUS] Le débat sur le contrôle des naissances dans les années 1960

En cette journée internationale des droits des femmes, nous avons souhaité mettre en avant deux ressources publiées dans les années 1960, donnant à lire deux points de vue très différents à propos d’un débat de l’époque : le contrôle des naissances.

La première source, un article paru dans La Revue guadeloupéenne, permet de redécouvrir une figure du combat féministe en Guadeloupe, la sage-femme et écrivaine Jacqueline Manicom.

La seconde source est un article paru quelques années plus tard dans La famille guadeloupéenne, une publication de l’Union départementale des associations familiales (UDAF).

En Guadeloupe, comme ailleurs en France, les années 1960 sont des années de transition, des années de lutte, des années de revendication. La jeunesse aspire à davantage de liberté, les femmes également. Les femmes votent pour la première fois en avril 1945, en 1946 la Constitution leur garantit l’égalité des droits avec les hommes, mais ce n’est pourtant qu’en 1965 que le régime légal du mariage est modifié et dispense les femmes mariées de l’autorisation du mari pour obtenir un emploi ou ouvrir un compte en banque.

Dans les années 1950, une nouvelle revendication féministe émerge : le contrôle des naissances. Cette lutte est notamment portée par La Maternité heureuse, une association qui devient plus tard Le Mouvement français pour le planning familial. À cette époque, la contraception est interdite.

Contemporaine de cette lutte, la sage-femme et féministe Jacqueline Manicom contribue à importer le combat en Guadeloupe. Dans La Revue guadeloupéenne, en 1962, face au constat d’une démographie inquiétante pour une île et des grossesses nombreuses souvent observées, elle livre un point de vue radical, celui d’une sage-femme qui cherche à aller « au ventre même de ce problème ». Jacqueline Manicom propose l’instauration de cours d’éducation sexuelle dans les classes, ou encore l’ouverture de centres de plannings familiaux. Son combat sera en cela porteur, puisqu’elle est parvenue à ouvrir un premier centre de planning familial en Guadeloupe en 1968 (l’association à l’origine de ce centre, La Maternité consciente, a été créée dès 1964).

Les revendications féministes pour le contrôle des naissances, trouvent un relai politique à gauche (François Mitterrand se prononce en faveur de la contraception orale lors de la campagne des élections présidentielles de 1965), mais aussi auprès du député gaulliste Lucien Neuwirth. Alors que la droite était au pouvoir, c’est ce dernier qui a été à l’initiative de la loi relative à la régulation des naissances promulguée en décembre 1967. Cette loi, dite loi Neuwirth, autorise le recours à la contraception et légalise donc la pilule.

Influencée par les mouvements catholiques qui sont l’une de ses composantes, l’Union des associations familiales est fermement opposée à un contrôle des naissances. Son président en Guadeloupe expose dans ce numéro spécial les différentes actions menées par sa fédération pour tenter de limiter la teneur ou faire échec à la loi Neuwirth, votée un mois auparavant. L’application de la loi en Guadeloupe étant soumise à l’adoption d’un règlement d’administration publique (l’article 6 de la loi a introduit une clause spécifique pour la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion), l’UDAF Guadeloupe indique qu’elle continuera à se mobiliser sur cette question. L’article consacré à la régulation des naissances en Guadeloupe se conclue en ces termes : « Si nous sommes d’accord sur le principe même du planning familial créé pour les familles « des enfants selon ses moyens matériels », nous sommes par contre résolument opposé à la politique anti-nataliste que l’on semble vouloir mettre en œuvre sous son couvert ».

 

Références :

AD971, PG 3. Jacqueline Manicom, « À propos de la limitation des naissances en Guadeloupe », La Revue guadeloupéenne, n°48, 1962. (extraits)

AD971, PG 1005. La famille guadeloupéenne, n°45, janvier 1968. (extraits)

Pour aller plus loin :

Une vidéo dans laquelle Jacqueline MANICOM échange avec une collègue sage-femme sur la pratique de son métier (archives INA, 1974) : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i21125343/temoignages-de-sages-femmes-sur-leur-metier

« 1967 : La pilule devient légale », site de l’Assemblée nationale : https://www.assemblee-nationale.fr/13/evenements/1967_legalisation_pilule/

Michelle ZANCARINI-FOURNEL, « Contraception et avortement dans les Antilles françaises (Guadeloupe et Martinique, 1964-1975) », Clio. Femmes, Genre, Histoire [En ligne], 50 | 2019, mis en ligne le 02 janvier 2024. URL : http://journals.openedition.org/clio/17067 ; DOI : https://doi.org/10.4000/clio.17067

Hélène FROUARD, Jacqueline Manicom : la révoltée, Éditions de l’Atelier, 2025.

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