[FOCUS SUR] Bribes de vie 2

 

A la suite du focus de la semaine de dernière, voici une nouvelle carte postale.

Transcription 

[l’orthographe a été respectée]  Nice, 1er septembre 1931

Bien chère Madame,

Merci bien des renseignements que vous m’avez envoyés, c’était bien ce que nous pensions. Je le ferai savoir à mon amie qui est en Bretagne en ce moment.

Nous avons un été merveilleux, nous n’avons pas du tout souffert de la chaleur. Le soir après dîner nous allons sur la promenade des Anglais où nous restons jusqu’à 10 heures 1/2. Il fait si bon. Avec les respectueux hommages de mon mari, recevez Chère Madame, nos bonnes amitiés. M Hugonin

Adresse : Madame Serre, 18, rue Pierre Corneille, Lyon

L’intérêt de cette carte postale repose davantage sur son parcours que sur le contenu lui-même qui témoigne néanmoins du développement du tourisme estival dans le sud de la France au début des années 1930. Mais elle a connu un étrange destin. Le cliché est édité par un célèbre photographe de Pointe-à-Pitre, Charles Boisel, qui réalise de nombreuses séries de cartes postales dont certaines sont numérotées. Après le terrible cyclone qui s’abat sur la Guadeloupe le 12 septembre 1928, Boisel réalise plusieurs clichés des dégâts occasionnés par l’ouragan : les maisons emportées, la végétation arrachée, les rues jonchées de débris. A proximité de Pointe-à-Pitre, les installations de l’usine sucrière et de la distillerie Darboussier sont dévastées, l’enfilade de cheminées métalliques si familière aux habitants du port, est entièrement mise à terre. Cet événement marque durablement la Guadeloupe. Et de manière assez surprenante, cette carte postale à l’accent industriel et crépusculaire, se retrouve utilisée trois ans plus tard en 1931 par Madame Hugonin, alors en villégiature d’été à Nice, pour remercier l’une de ses relations, Madame Serre, qui de son côté habite au cœur de Lyon sur la rive gauche du Rhône ! Le ton du message témoigne d’un mélange de familiarité maîtrisée et de politesse scripturaire mais on ne voit pas le lien entre la carte postale guadeloupéenne et les protagonistes de cet échange. Les annuaires administratifs de l’époque en diront peut-être davantage sur la famille Hugonin et un éventuel séjour dans l’île dont cette carte postale serait une trace, sacrifiée par la suite aux devoirs de la correspondance…

cartes postales guadeloupe

Carte postale, 392. Guadeloupe – Pointe-à-Pitre – L’usine Darboussier après le cyclone du 12 septembre 1928. Edition Boisel. Arch. dép. Guadeloupe, 5 Fi 20/475.

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