[FOCUS SUR] Un dossier sur le cinéma à la Guadeloupe dans les années 1950

Issu d’un versement du Cabinet de la Préfecture, l’article 1968 de la Série continue nous permet de voir de quelle manière l’administration préfectorale a mis en œuvre ses attributions en matière de cinéma dans la société post-coloniale des années 1950 et dans un contexte national où la liberté de la création cinématographique est soumise à un contrôle étroit des autorités publiques.

Un premier ensemble statistique nous permet de prendre connaissance de l’état du développement cinématographique à la Guadeloupe. Les données statistiques, transmises au ministère de l’Intérieur pour une première enquête diligentée par le Centre national de la Cinématographie en 1954, nous apprennent notamment que la Guadeloupe est équipée de vingt cinémas dont huit permettent de diffuser des films au format standard (bobines de 35 mm). Plus de 300 films ont ainsi été projetés en 1952 et en 1953 dans ces cinémas totalisant plus de 535 000 entrées (nota : la population à l’époque est d’environ 230 000). L’enquête de 1957, menée par le ministère de l’Intérieur, nous en apprend davantage sur le circuit de distribution des films : trois grandes sociétés groupent les exploitants de cinéma par un système de location de films. La Société CINESOGAR exploite le ciné-théâtre « La Renaissance » de Pointe-à-Pître où elle reçoit ses films de Fort-de-France qu’elle loue ensuite aux exploitants de trois autres salles ; la Société d’expansion cinématographique aux Antilles dont les siège est à la Martinique qui exploite le « Plazza » de Pointe-à-Pître et le « Tivoli » de Basse-Terre et qui adresse ensuite les films projetés dans ces deux principaux cinémas aux exploitants de neuf autres petites salles ; le Cinéma d’Arbaud achète en partie ses films qui sont ensuite diffusés dans deux autres petites salles. Dans les années 1950, Le cinéma n’est pas qu’une affaire commerciale dans la mesure où deux principaux cinéclubs l’un à Pointe-à-Pître (composé de 700 membres), et un second à Basse-Terre (composé de 600 membres) projettent tous les deux dans une salle de la mairie, à hauteur de 6 séances par mois en moyenne, principalement des films instructifs, sur l’éducation de la jeunesse.

Un deuxième sous-dossier concerne principalement le pouvoir de police administrative des autorités guadeloupéennes en matière cinématographique : il s’agit de la mise en œuvre de la censure. En effet, dès 1951 l’exécutif guadeloupéen s’inquiète de la diffusion, sur le territoire, de films qui pourraient remettre l’ordre social en question. La diffusion des films « La danseuse de Marrakech », « Sans pitié » et « Je suis un nègre » serviront en partie de prétexte à la mise en œuvre d’une censure complémentaires à celle exercée par la Commission nationale de Censure cinématographie au niveau national. L’administration préfectorale s’appuie sur sa compétence en matière de police administrative, confirmée par le ministère de l’Intérieur et le Conseil d’état, pour exiger des directeurs de cinéma la communication avant projection, du titre des films et les scenarii de ces derniers. L’application de ces mesures de censure nous permet aujourd’hui de bénéficier aujourd’hui de listes exhaustives des films projetés à la Guadeloupe en 1954, 1955 et 1956.

Notes, Préfecture de la Guadeloupe, 1055-1056. Arch. dép. Guadeloupe, SC1968.

 

archives préfecture guadeloupe

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