[Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes] Les violences faites à Emilie (suite)

…Emilie survit à ses blessures, cette affaire semble n’avoir aucune suite et le temps passe, plus de trois ans. Puis le 30 septembre 1812, le commissaire reçoit une lettre écrite la veille par Emilie Olivet Delpech et qu’il fait recopier et enregistrer officiellement. Cette lettre nous ramène à une triste réalité. En 1809, Emilie avait accepté de « passer l’éponge » et de se réconcilier avec son mari « que j’aimais à la vérité. Après notre réconciliation, il a été bon avec moi. Je n’ai eu nul sujet de plainte de sa conduite envers moi mais depuis près de deux ans, il a encore recommencé à manquer aux égards et aux procédés qu’un bon mari doit à une femme qui l’aime. »

Elle informe alors officiellement le commissaire qu’elle a décidé de se séparer de son mari et qu’il ne lui reste d’autre parti que « d’aller finir mes jours avec mon père ». Sa démarche vise également à garantir ses droits sur les biens appartenant en commun au ménage et que son mari pourrait essayer de vendre.

Elle souhaite néanmoins que le commissaire garde le plus grand secret sur cette déclaration car elle s’attend à ce que son mari mette tout en œuvre « pour me faire le plus de torts possibles ».

Le même jour, son père fait enregistre la lettre très émouvante qu’il a reçue de sa fille Emilie pour lui demander de l’accueillir chez lui : « Mon mari depuis longtemps m’a chassé de la manière la plus indigne de chez lui. Mon attachement pour lui, malgré sa conduite déréglée, les mauvais égards et procédés…m’a fait rester avec lui jusqu’à présent mais aujourd’hui …je me vois forcée d’avoir recours à mon père » car son mari l’a chassée une nouvelle fois sans « me donner seulement mon linge » et Emilie ne sait où trouver refuge. Elle ajoute : « Je vous avoue…qu’il coûte et répugne à mon cœur de me séparer d’un mari auquel j’étais attaché et que j’aime encore, malgré tous les torts qu’il peut avoir envers moi ». Et de donner comme preuve ultime des volontés de son mari, l’attitude à son égard de deux esclaves : une nommée Marguerite – « une coquine » – la provoque par des propos insolents et Edmond, un esclave acheté en 1810 par son mari, l’a déjà menacée avec une hache. Et de conclure : « Comment, mon cher papa, puissè-je tenir à des traitements pareils ? » En autorisant ouvertement des esclaves à se comporter ainsi à l’égard de leur maîtresse, le mari d’Emilie contrevient aux principes d’une société coloniale fondée sur l’esclavage et sur des préjugés de couleur particulièrement vivaces, préjugés auxquels l’épouse bafouée, fille et femme d’habitant, n’échappe naturellement pas.

Cette affaire se conclut le 3 octobre 1812 par une nouvelle main-courante déposée cette fois-ci par Delpech, le mari d’Emilie. Il informe de manière lapidaire le commissaire que « ma femme vient de s’évader de chez moi. Je ne sais pour quel motif. M. Olivet [son père] est venu la chercher ».

En l’état actuel des recherches, on ignore ce que sont devenus les protagonistes de ce drame familial. On sait seulement que le père d’Emilie, Etienne Olivet est mort le 8 juin 1830 à l’âge de 82 ans. Rien sur Emilie pour le moment mais pourquoi ne pas se lancer dans cette recherche ?

 

Une habitation sucrière à la Guadeloupe, début XIXe siècle. Archives départementales de la Guadeloupe, 2 Fi 26

 

archives violence femme guagelouipe XIXe siècle
Archives départementales de la Guadeloupe, 4 R 1, image 25 (page de gauche).

 

archives violence femme guagelouipe XIXe siècle
Archives départementales de la Guadeloupe, 4 R 1 (extrait), image 25

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