La Guadeloupe prend le volant !

Alors que le parc automobile de la Guadeloupe dépasse aujourd’hui les 250 000 véhicules, un petit dossier tiré des archives des Travaux publics a retenu notre attention.

Le 4 février 1929, François Reimonencq, un jeune homme originaire de Capesterre-Belle-Eau sur la Basse-Terre, sollicite du gouverneur l’autorisation de se présenter à « l’examen de chauffeur automobile […] le jour qu’il vous plaira de me faire subir l’épreuve ». Se faisant, François Reimonencq obéit aux exigences du code de la route qui depuis 1901, impose aux apprentis conducteurs d’obtenir un certificat de capacité, délivré par le gouverneur après avis de l’ingénieur des Travaux publics. En 1929, l’examen prend la forme d’une unique épreuve de conduite effectuée sous le contrôle d’un mécanicien de l’administration, en l’occurrence « le chef de l’atelier des engins mécaniques de la Basse-Terre », un certain Stéphane Olivier. Ici, pas de voiture-école pas de moniteur ni de longue liste d’attente, mais le candidat doit fournir lui-même la voiture qui servira au test. Pour François Reimonencq, il s’agit d’une Citroën torpédo Type C de 3 places, achetée quelques années plus tôt par Jules Charneau, un importateur dont la famille s’est investie très tôt dans l’automobile, les transports publics, la location et la réparation des véhicules à moteur.

L’examen semble des plus simples : quelques kilomètres de conduite, de Basse-Terre au village voisin de Dolé, le temps pour le candidat de prouver qu’il « manœuvre sa voiture, en avant et arrière, avec prudence, sang-froid, présence d’esprit et justesse de coup d’œil ; qu’il est capable de varier la vitesse du véhicule ; qu’il sait mettre en œuvre les moyens de freinage et d’arrêt … ».

Convoqué le 17 février 1929, François Reimonencq est reçu à l’examen et il reçoit aussitôt un certificat provisoire. Mais pour obtenir son brevet définitif, il doit encore s’acquitter des taxes prévues et fournir différents justificatifs, sans oublier, détail qui prend aujourd’hui toute sa valeur, la fourniture de deux photographies d’identité récentes. Ces photographies ont généralement disparu des dossiers, mais pas celle de François Reimonencq, découpée et collée avec soin sur son certificat provisoire. On y découvre un jeune homme portant chemise blanche et nœud papillon, qui fixe l’objectif avec une tranquille assurance. Pourquoi François Reimonencq a-t-il eu besoin de ce permis de conduire et qu’est-il devenu ? On sait simplement qu’il s’est marié en 1932 à Pointe-à-Pitre, qu’il exerçait la profession d’employé de commerce et qu’il est mort en 1966 dans sa commune de naissance.

Les archives ne disent pas tout de nos vies, mais ce modeste dossier met un visage sur un nom et témoigne aussi des évolutions que connaît la Guadeloupe coloniale dans le premier tiers du 20e siècle. Quand il obtient son permis en 1929, près de 1600 véhicules sont déjà immatriculés, des voitures particulières mais aussi des camions, des motocyclettes, des camionnettes ou des « chars » de transport public comme on appelait alors les autocars ; mais ces automobiles, vecteur de modernité et de rapidité, circulent encore sur un réseau routier du siècle passé, au milieu des charrettes et autres cabrouets, plus nombreux que les voitures et pourtant déjà voués à disparaître.

Pour en savoir plus sur la Citroën type C : https://fr.wikipedia.org/wiki/Citro%C3%ABn_Type_C_5HP

Examen de conducteur d’automobiles, brevet accordé à François Reimonencq, 17 février 1929. Arch. dép. Guadeloupe, INC 49/1.
Examen de conducteur d’automobiles, brevet accordé à François Reimonencq, 17 février 1929. Arch. dép. Guadeloupe, INC 49/1.
Lettre signée de François Reimonencq du 4 février 1929. Arch. dép. Guadeloupe, INC 49/1.
Lettre signée de François Reimonencq du 4 février 1929. Arch. dép. Guadeloupe, INC 49/1.
Code de la route en vigueur à la Guadeloupe, édition de 1939. Arch. dép. Guadeloupe, INC 1/6.
Code de la route en vigueur à la Guadeloupe, édition de 1939. Arch. dép. Guadeloupe, INC 1/6.
Photographie de François Reimonencq, INC 49/1.
Photographie de François Reimonencq, INC 49/1.

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