Le patronage des esclaves

Le reclassement des fonds de la Justice est l’occasion de redécouvrir des documents très rares. Celui mis en lumière aujourd’hui nous plonge au cœur de la société servile avec le recours à la main d’œuvre esclave pour assurer la culture de la canne et la production du sucre.
Sous la monarchie de Juillet, l’ordonnance royale du 5 janvier 1840 impose aux autorités locales de veiller dans les colonies françaises à l’instruction morale et religieuse des esclaves et d’effectuer des visites régulières dans les habitations afin de constater leurs conditions de vie.
L’article 6 de l’ordonnance, publiée à la Guadeloupe par un arrêté du gouverneur le 2 avril 1840, précise que les « résultats des tournées seront consignés dans des rapports détaillés qui seront envoyés par les gouverneurs à notre ministre secrétaire d’État de la marine ».
Les Archives départementales de la Guadeloupe conservent sous la cote 1 U 1 un cahier papier imprimé, complété à la main, de seize pages, intitulé : « Patronage des esclaves. Tableaux d’inspection des habitations du ressort du tribunal de première instance de la Pointe-à-Pitre visitées, du 23 février au [24 février 1848] par M. le juge de paix du canton de Lamentin, en exécution de l’ordonnance royale du 5 janvier 1840 ». Monsieur Vauchelet, juge de paix, inspecte quatre « habitations sucreries » nommées « L’Espérance, Malgrétout, Montourment et Bellevue ».

Patronnage des esclacves
Patronage des esclacves, Arch. dép. Guadeloupe 1U1

Le document est composé de six tableaux dédiés à la nourriture et aux vêtements, aux soins en santé et en maladie, aux cases et jardins, au travail, au régime disciplinaire, à l’instruction religieuse et élémentaire.
Chaque tableau fournit des informations précises sur la thématique abordée : le nombre d’esclaves recensés, le nombre de visites du médecin, les espèces et la quantité d’animaux domestiques élevés par les esclaves, la surface cultivable des jardins livrés aux esclaves, la durée du travail quotidien, l’état de l’instruction parmi les esclaves….

Patronnage esclaves

PAtronage escalves

Le document permet d’appréhender les conditions de vie des esclaves et notamment les punitions qu’ils subissent. Par exemple, sur l’habitation L’Espérance, vingt-huit esclaves ont été « punis par le maître, depuis la dernière tournée d’inspection », pour l’un des motifs suivants : refus ou absence de travail, désobéissance, injures envers son maître ou la famille de son maître, ivresse, dégâts et larcins, marronnages de huit jours et au-dessous. Les peines infligées aux esclaves sont la prison et le fouet, dont le nombre de cops est précisé. Il existe également un atelier cantonal de discipline, où un esclave est enfermé lors de la visite de la sucrerie. Enfin, un esclave a été déféré au tribunal. Il s’agit du nommé François, ex-commandeur, c’est-à-dire l’esclave nommé par le maître pour conduire les autres esclaves au travail, qui a été condamné par la cour royale d’assises à deux années d’emprisonnement.

Archives départementales de la Guadeloupe : Patronage des esclaves ; février 1848 (1 U 1)

Retour aux actualités