Notre histoire

Les Archives départementales de la Guadeloupe sont de constitution récente ; leur ouverture date de 1951, soit 140 ans après la création des Archives départementales de métropole.

Cette création des Archives départementales de la Guadeloupe accompagne l’entrée en vigueur dans notre île de la législation française sur les archives et fait suite à la transformation des quatre « vieilles » colonies – Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion – en départements. Le premier archiviste départemental s’appelle Victor Glaude, un rédacteur principal de préfecture, à qui revient la charge difficile d’organiser un service comptant deux employés et 625 mètres linéaires d’archives.

Les Archives avant les Archives

Avant cette date, les archives de la colonie n’ont jamais été véritablement organisées ; chaque service, chaque juridiction ou organisme public conserve et administre ses archives, en fonction des locaux et du personnel disponibles. En 1925, les documents officiels mentionnent l’existence d’un dépôt des papiers publics de la colonie destiné à conserver une copie des actes notariaux, des minutes des jugements et des archives foncières ; l’année suivante, un relieur de l’imprimerie coloniale est désigné pour assurer la garde des archives des services rattachés directement au gouverneur, mais il s’agit d’une activité accessoire, rétribuée par une simple prime. Un rapport de 1948 mentionne une salle d’archives de 90 m², en partie maçonnée, située dans l’ancien hôpital militaire de Basse-Terre récupéré par l’administration au début du XXe siècle. A ce défaut de place et d’organisation, s’ajoutent depuis toujours les conditions climatiques qui ne favorisent guère la sauvegarde des papiers : la chaleur et l’humidité, les nombreux cyclones.

La caserne d’Orléans

Avec d’autres services, les archives sont transférées en 1950 près de la préfecture, dans un bâtiment construit au XIXe siècle pour un détachement de l’infanterie coloniale, la caserne d’Orléans. Le déménagement s’effectue dans la hâte, les dossiers rassemblés en paquets sont transportés par les détenus de la prison pour être entassés pêle-mêle dans un unique magasin de 140 m² dépourvu de rayonnages. Grâce à l’activité de Victor Glaude, le bâtiment est rapidement aménagé mais avec les moyens mis à sa disposition : le magasin est équipé de rayonnages en bois fabriqués localement, une salle sert à la fois de bureau et d’espace de tri, une partie de la galerie extérieure est transformée en salle de lecture, en atelier de reliure et en salle d’accueil des versements.

Pendant plus de 35 ans, ce bâtiment abrite les Archives départementales de la Guadeloupe qui en occupent progressivement la moitié, au fur et à mesure de l’accroissement des versements et de l’augmentation du nombre des lecteurs et des agents : 880 mètres linéaires de documents à la fin des années 1950, plus de 1700 mètres linéaires quelques années plus tard, 3000 mètres en 1982. En dépit de son caractère peu fonctionnel, du grave incendie survenu en 1955 et des effets du cyclone de 1964, les Archives de la Guadeloupe prennent rang à cette époque parmi les mieux équipés des départements d’outre-mer : magasins protégés par une dalle de toit « anti-cyclone », rayonnages métalliques sur deux niveaux, climatisation, salle de classement, atelier de reliure, espaces pour la bibliothèque et l’accueil du public, prémices d’un laboratoire de microfilms et d’une salle d’exposition.La caserne d'Orléans

Même agrandis et densifiés, les espaces dévolus aux archives départementales demeurent insuffisants pour absorber l’accroissement des archives publiques produites par les services administratifs. Face à cet engorgement, la solution la mieux adaptée demeure la construction d’un nouvel équipement mais elle va mettre plusieurs années à s’imposer. Outre la mobilisation des crédits et la disponibilité d’un terrain, la question se pose également du maintien des Archives à Basse-Terre ou de leur transfert à Pointe-à-Pitre. Basse-Terre est certes le chef-lieu du département et le siège de la préfecture mais le dynamisme économique et culturel de sa rivale, ajouté aux risques induits par la proximité du volcan de la Soufrière, paraissent des arguments de poids en faveur d’une transplantation. Le danger se matérialise en août 1976 quand un regain d’activité du volcan provoque l’évacuation du sud de la Basse-Terre. Les Archives départementales et leurs collections sont hébergées plusieurs mois sur le campus universitaire de Pointe-à-Pitre, une partie des archives est même transférée à la Martinique et ne revient pas avant 1978.

L’installation à Bisdary

Dès 1974, un terrain de 7000 m² est acheté pour accueillir le nouveau bâtiment des Archives. Situé sur la commune de Gourbeyre, au lieu-dit Bisdary, cet écrin de verdure champêtre faisait partie autrefois d’une ancienne habitation appartenant aux Jésuites. La parcelle est en dehors du chef-lieu, elle est accessible par un unique chemin rural qui prend bientôt le nom de rue des Archives. D’autres implantations ont été envisagées, à Vieux-Fort, au Moule ou à Pointe-à-Pitre, mais elles n’ont pas été retenues. En 1981, le projet proposé par les architectes Pancrassin, Pétrelluzzi et Piecq est finalement accepté. Ce dernier fait le choix d’un édifice en forme de flèche, qui tranche avec son environnement : mélange de béton brut et de verre, il offre sur trois étages des volumes symétriques et des lignes anguleuses, tout en assurant une répartition rationnelle des espaces en fonction de leur destination : les espaces de communication et de mise en valeur précèdent les espaces de traitement et de gestion des archives ainsi que les six magasins de conservation. La construction dure deux ans et au mois de mai 1986, les Archives départementales peuvent enfin s’installer dans un immeuble spécialement conçu pour accueillir et faire vivre les collections, pourvu d’une réelle identité architecturale et des équipements les plus modernes, pour le personnel comme pour le public : 6000 mètres linéaires de rayonnages, locaux entièrement climatisés, détection incendie, salle de lecture de 19 places, hall d’exposition, salle de service éducatif, ateliers, pour un coût total de 31 millions de francs. Une chambre forte a même été aménagée au sous-sol, capable de résister aux éruptions volcaniques.

L’extension

Cette réalisation architecturale est un succès ; le service dispose désormais des moyens matériels pour assumer pleinement ses missions et les 6000 mètres linéaires de rayonnages sont rapidement occupés par les versements administratifs qui se multiplient dans les années 1990, si bien que le Département doit envisager la réalisation d’un agrandissement. A l’issue d’un concours, les architectes Emile Romney et Marc Jalet sont sélectionnés. Leur projet architectural cherche à intégrer les volumes supplémentaires de l’extension pour former un ensemble cohérent mais sans volonté d’imitation. Les nouveaux locaux s’organisent de manière symétrique autour du noyau initial par deux ailes et des passerelles aux façades entièrement vitrées, créant ainsi des jeux de transparence symbolique. Une « peau » composée d’un bardage en résilles multi-couleurs aux matières variées – bois, verre, métal – enveloppe l’ensemble ; elle assure une protection contre la lumière et permet de réunir en une même composition le bâtiment ancien et les ailes nouvelles, tout en « signant » l’originalité architecturale du projet.

Les deux ailes sont livrées en 2015. Elles abritent à la fois les différents espaces ouverts au public, notamment une salle de lecture de 49 places et une salle polyvalente de 250 m², ainsi que les espaces de travail et de traitement des archives, organisés selon un circuit logique : réception des archives, dépoussiérage ou décontamination, classement, reliure-restauration, numérisation.

Situés dans l’ancien bâtiment complétement réaménagé à cet effet, les 13 magasins de conservation se déploient sur une superficie de 2100 m² et offrent une capacité de conservation de 12 kilomètres linéaires, soit un doublement de la capacité initiale. Tous les magasins sont équipés d’un système de climatisation permettant de contrôler la température ou le taux d’humidité et des espaces spécifiques sont dévolus aux cartes et plans, aux films et bandes sonores, aux cédéroms. Cette seconde tranche de travaux est en cours de réalisation et s’achèvera par la reprise des magasins existants et le ravalement des façades anciennes.

Les fonds d’archives accumulés depuis trois siècles à Guadeloupe forment aujourd’hui un ensemble d’environ 6 000 mètres linéaires qui sont à la fois le matériau de l’Histoire et le reflet  des parcours individuels et des existences. Elles ne sont pas équitablement répartis, ni dans leur chronologie, ni dans leur géographie, ni dans leurs thématiques. Mais les registres des nouveaux libres, les matricules militaires, les procès-verbaux du conseil privé, les minutes notariales, les jugements civils et criminels, les dossiers de la sucrerie-distillerie de Beauport, ceux du tribunal de prises de Basse-Terre, les manuscrits de l’érudit guadeloupéen Jules Ballet achetés par la colonie en 1929, les collections de disques, d’ouvrages ou de périodiques, tous ces fonds attestent que les archives de la Guadeloupe sont abondantes. Elles sont le résultat de mécanismes administratifs, juridiques, économiques dont la complexité, la précision et parfois la sécheresse sont indéniables ; elles sont aussi la trace infime que la vie quotidienne de chacun laisse dans l’histoire. Leur apport quantitatif ou qualitatif est suffisant pour reconstituer la trame des évènements, contribuer à l’histoire globale aussi bien que pour suivre les ramifications infimes de destins individuels et permettre ainsi l’écriture d’une histoire de la proximité. Il naturellement nécessaire de confronter les archives avec les sources d’une autre nature, issues de la recherche archéologique, de la tradition orale, de la linguistique ou de l’anthropologie. Mais en dépit de leurs lacunes et de leurs limites, et par un travail résolu de collecte, de classement et de mise en valeur de leurs collections, les Archives départementales de la Guadeloupe s’affirment comme un centre de ressources où puiser les informations utiles à la compréhension d’un passé qui a façonné les hommes, leur environnement et leur psychologie.

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